LES ARBITRES

Comme il est impossible de raconter des histoires drôles sans parler des blondes, il n’est pas envisageable de raconter la pétanque sans parler des arbitres.

L’arbitre, pierre angulaire de notre sport, est le représentant le plus visible et le plus accessible de l’autorité chargée de la promotion du jeu de boules.

Premier arrivé sur le terrain, il est souvent le dernier à le quitter et en cela il mérite tout notre respect.

Mais qui est-il ? D’où vient-il ? Quelles sont ses missions ?

Plutôt que de lire le règlement qui souvent est loin des réalités que nous vivons sur le terrain, pour répondre à ces questions je propose de le découvrir par le récit d’anecdotes permettant de mieux juger de sa nature, dans l’accomplicement de son art.

DE L'ART DE MESURER UN POINT -- 1ère PARTIE


Plantons le décor :

La mission la plus connue de l'arbitre, celle ou il va pouvoir exercer toute l'autorité de sa fonction est sans conteste: la mesure du point.

Alors en général ça se passe comme ça:

Ton adversaire vient de pointer sa boule à une distance sensiblement la même que la tienne. Comme il voit que tu ne bouges pas, il emprunte le mètre du vieux qui joue à côté (ils en ont toujours un, de peur que quelqu'un leur vole un point), mesure, et dit " j'ai le point ! ". Toi, à se moment là, tu dévisages ton adversaire en essayant de de juger de la sincèrité de ses paroles; lui à le visage impassible du joueur d'échec qui vient d'avancer sa pièce et qui attend la réaction de l'adversaire. L'envie de mesurer ce point ne t'est pas étrangère mais tu a confiance dans la nature humaine et tu décides d'aller jouer.

Au cours de la partie la situation se répète et toujours tu entends " Y'a 2 mill pour celle-là ! " (celle-là, c'est la sienne, tu l'avais compris).

Toi, tu es en train de te demander si tu ne vas pas remettre en cause ton jugement sur la nature humaine car ça fait 4 fois que tu perds le point et que peut-être ton adversaire à des problèmes pour mesurer (pas qu'il essaye de te voler un point, NON, mais qu'il ait de sérieux problèmes occulaires). Alors tu attends, et dès qu'un nouveau litige se profile, tu bondit sur le vieux pour qu'il te prête son mètre (parce que toi aussi tu étais venu la queue entre les jambes). Comme ça fait 5 fois qu'on lui emprunte son mètre, il commence à en avoir marre et dit " la prochaine fois, je vais le louer 1€". Toi, t'as envie de lui dire que c'est vachement original ce qu'il vient de dire et qu'on te l'avait jamais faite mais comme t'as besoin de son appareil de mesure tu te contentes de sourire. Tu te baisses, tu mesures et oh surprise, tu as plus de chance que d'habitude et tu déclares " il est là ! " (là, c'est la tienne, bien sûr). Tu prends l'attitude du joueur d'échec qui vient de jouer son coup et tu attends la suite des événements ...

Ton adversaire te dévisage en essayant de juger de la sincérité de tes paroles. Il croit beaucoup dans la nature humaine lui aussi et finalement décide de te demander le mètre (que t'avais pas rendu au vieux parce que tu avais anticipé sur la suite des événements)

A ce moment tu jubiles parce qu'il y a au moins 2 mm en ta faveur et ça te fais plaisir de le voir se baisser pour rien. Il mesure et fatalement se rend compte qu'il n'a pas le point, mais ne voulant pas passer un blaireau il dit " hum, il est fin ! " et il remesure en essayant cette fois-ci de pousser discrètement ta boule pour te faire perdre le point. Comme tu lui fais gentiment remarquer, il t'assure qu'elle est revenue en place et qu'il faut le "pailler" car on ne le voit pas au mètre.

Toi tu comprends que t'as affaire à un enculé de première et c'est d'un commun accord que vous décidez d'appeler l'arbitre. ARBITRE !!!

(la suite demain)

ON ATTEND LA SUITE

DE L'ART DE MESURER UN POINT -- 2ème PARTIE

L'approche :


Après avoir gueulé plusieurs fois son nom et fait des gestes avec les bras pour qu'il identifie rapidement le lieu ou il va officier, tu vois l'arbitre qui arrive d'un pas tranquille (la justice qui s’exerce sur les terrains de boules n'est pas plus rapide que celle qui est rendue dans les tribunaux français, tu verras).

Après les formules de politesse d'usage, l'homme de loi demande " c'est quelles boules ? ". Comme tu as eu le temps d'enlever les autres boules en l'attendant et qu'il n'en reste plus que 2 tu penses qu'il va comprendre sans que tu aies besoin de répondre, mais comme il répète la question en haussant le ton tu finis par dire "celles-là". Bingo ! c'était la bonne réponse, il se met en mouvement, fallait juste respecter le protocole !

Comme saint Louis avait besoin de son chêne pour rendre la justice divine, (l’arbre représantant l’axe entre la terre et le ciel), l’arbitre a besoin de la « tirette » pour exercer la justice scientifique (l’outil étant supposé pouvoir mesurer le ‘poil du cul’ qu’il est impossible à voir avec ton mètre à ruban acheté la veille chez Monsieur Bricolage)

Alors le voilà qui sort de sa sacoche la susdite tirette en même temps qu’un morceau de mousse. Comme tu vas le comprendre ce deuxième artifice est tout aussi indispensable que le premier car c’est lui qui va éviter à l’arbitre de se blesser quand il va mettre un genou à terre pour s’approcher des boules en litige.

Tu noteras qu’à ce stade ils ne sont pas tous égaux devant la douleur, certains ayant une mousse haute densité et de bonne mesure tandis que d’autres se contentent d’un bout de mousse d’emballage d’un colis Yves Rocher. Si si, tu verras c’est celle qui a les alvéoles !

Voilà, tout se déroule dans l’ordre établi, « on est opérationnel phase par phase » comme disent les militaires, la vérité est toute proche ! mais il vous faudra encore patienter un jour ou deux avant que les boules parlent !!!

Je crois que tu as oublié une petite question toujours posé par l'arbitre en arrivant sur le lieu du litige:
Avez vous mesuré les points avant de m'appeler???
Et bein, non (on y avait pas pensé)!!!

C'est vrai. Cette question fait aussi partie du protocole.
Oups !

ON SAIT AUSSI MAINTENANT DEPUIS SAMEDI APRES MIDI,que ce sont les puissants qui ont toujours raison,loloe vous expliquera ca tres bien.

Déjà La Fontaine disait en son temps:

Selon que vous soyez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Alors Loloe, on était noir samedi ?

DE L'ART DE MESURER UN POINT -- 3ème PARTIE


L’action


Le réglage (1er miracle)


La mousse étant posée par terre, l'objectif est d'y faire atterrir le genou. Ce qui n'est pas aussi aisé qu'il y paraît car l'arbitre a pris de l'embonpoint à force de manger des sandwiches merquez et de boire des demi pression et l'agilité de ses 20 ans a depuis longtemps fait place à une raideur des membres inférieurs qui ne facilite pas l'opération. Mais l'appel du devoir est le plus fort et au risque de se rompre les os il se laisse choir sur le sol.

Là, tu remarqueras que tout le monde s'approche. Lui commence à déployer sa tirette qu'il ajuste au mieux pour toucher en même temps la boule et le cochonnet. L'entreprise est délicate, un coup la tirette est trop longue, un coup elle est trop courte, jamais elle a la bonne longueur !

A ce moment là, toi qui l'observe d'en haut, tu es obligé d'avoir de la compassion pour cet homme à quatre pattes par terre qui essaye en vain de régler son instrument au dixième de millimètre alors que le jeu dans les articulations de la tirette et son manque de rigidité rendent l'opération carrément impossible.

Quand tu penses qu'en 1969 on savait envoyer des bonhommes jouer au golf sur la lune et que 40 ans plus tard ce pauvre arbitre est toujours obligé pour mesurer un point d'utiliser un outil à géométrie variable même pas fiable, tu te dis que la technologie n'évolue pas au même rythme dans toutes las activités humaines !

Moi j'aurais pensé qu'à l'heure ou il te suffit de taper "2" sur ton portable pour zapper définitivement de la TV la nouvelle Céline Dion, l'arbitre pourrait avoir un petit boîtier électronique à rayon laser qu'il aurait juste à placer entre la boule et le cochonnet pour voir s'afficher sur l'écran intégré la distance entre les 2 objets ! Toi t'avais du mal à voir les millimètres, lui te donnerait la distance au micron, ça serait sans contestation possible, mais bon, la fédération doit penser autrement ! Alors t'en es là dans tes pensées quand soudain MIRACLE, il a réussit à régler sa jauge ! C'était impossible, IL L'A FAIT !

C'est là que va se produire un incident qui passe toujours inaperçu mais qui aura une conséquence dramatique sur la qualité de la mesure.

Si vous avez déjà fait mesurer un point vous avez forcément vu de quoi je parle, mais qui pourrait me le dire ?

Allez ! Je vous laisse jusqu'à demain pour réfléchir !


L'aventure continue …

DE L'ART DE MESURER UN POINT -- 4ème PARTIE


L’action


La catastrophe (2ème miracle)



Nous étions resté avec notre arbitre un genou à terre et la tirette réglèe au "poil du cul". Eh bien rassurez-vous, nous le retrouvons dans la même position. Alors que va-t-il se passer que vous ayez tous vu et qu'aucun n'a remarqué ?
Pourtant, je vous l'avais dit qu'il était enrobé, je vous l'avais dit qu'il avait des rhumatismes, je vous l'avais dit qu'il s'était baissé à grand peine alors que la pesanteur l'y aidait. Maintenant il est pris au piège, il faut qu'il se relève mais cette fois-ci la force de Newton est contre lui ! Maudite force qui fait que la pomme tombe vers le sol et non pas vers le ciel ! Et comble de malchance il ne peut s'aider que d'une seule main, l'autre tenant la tirette.
L'entreprise est donc condamnée à l'échec, il va devoir rester le genou à terre jusqu'à la fin de sa vie ! Eh bien NON ! Au prix d'un effort ultime, il s'ébroue, prend appui d'une main sur sa cuisse, l'autre tel un équilibriste il s'en sert pour garder l'équilibre pendant qu'il tente l'IMPOSSIBLE ASCENSION.
Les gens se poussent (si tu as bien suivi j'avais dit hier qu'ils s'étaient approchés, c'est normal maintenant qu'ils s'éloignent ! D’ailleurs j’avais souligné phrase en question hier pour que tu la retrouve plus facilement, si tu voulais vérifier ! Tu remarqueras par la même occasion que mes histoires sont construites ! C'est pas comme les romans à 2 balles que t'achètes dans les halls de gare ! )

Et c'est à cet instant que le deuxième miracle s'accomplit: l'arbitre se relève ! Il a vaincu Newton !

Bon, tu vas me dire "où elle est la catastrophe qui devait avoir une conséquense dramatique sur la qualité de la mesure ?"

Mais tu l'a lu ! Fais un effort sinon on va pas y arriver ! Mes histoires c'est pas "Les feux de l'amour", c'est du vrai roman policier: De l'Agatha Christie, mieux, du San Antonio !

Je vais t'aider sinon on s'en sortira pas: Je t'ai dit qu'en se relevant l'arbitre faisait l'équilibriste. Qu'est-ce qu'il toujours dans sa moin l'équilibriste: une canne ou un parapluie, enfin n'importe quel truc lourd qu'il agite pour de garder l'équilibre. Et qu'est-ce qu'il avait dans la main l'arbitre: ... ça y est, ... tu commences à comprendre ... eh oui, LA TIRETTE !

La pauvre tirette qu'il avait mis une plombe à régler et qui maintenant ne ressemble plus à rien ! Au lieu d'être droite elle a maintenant la forme d'un zig-zag, mais qu'à cela ne tienne, c'est en toute innocence qu'il la redresse et s'en va mesurer l'autre boule, sans se rendre compte que toute la mesure maintenant va être faussée !
Mais il peut y avoir pire: certains arbitres ne redressent même pas la tirette pour mesurer la deuxième boule et c'est avec d'un air étonné qu'ils te disent: "y'a au moins 3 ou 4 millimètres pour celle-là, vous l'aviez mesuré avant ?"

Toi, sur le coup tu as peut-être perdu un point qui était à toi, mais devant ce grand moment de pétanque, ses 2 miracles consécutifs et surtout ce dévouement aussi nécessaire qu'inutile tu ne peux que dire une chose: merci !

Après cette démonstration magistrale de l’art de mesurer un point tu es rassuré : cet homme qui depuis 30 ans exerce son autorité sans se rendre compte qu’il apporte plus d’incertitudes que de précision va pouvoir terminer sa carrière en beauté : Il va pouvoir enseigner aux nouvelles recrues tout son savoir !

Nous pourrons jouer aux boules encore longtemps, avec des arbitres comme ça : Everything is under control

Demain, suite et fin de l'épopée.

DE L'ART DE MESURER UN POINT -- 5ème PARTIE

Conclusion



Toute analyse détaillée devant se terminer par une conclusion, il n'est pas question ici de déroger à la règle. Je vous la livre sans plus attendre.

Si l'on considère que la mesure des points se fait généralement comme je l'aie décrite (et je puis vous affirmer que je m'appuie sur des années d'observation) on peut se poser la question suivante:
- A quoi ça sert de faire mesurer un point ?
Alors je répondrai spontanément: Pour assister à un grand moment de pétanque !

Mais ce n'est pas tout, soyons positif, si les boules sont suffisamment près du cochonnet et que l'arbitre ne déplie qu'une fois sa tirette on peut considérer qu'elle est alors assez rigide pour faire une mesure correcte et qu'elle sera peu sensible aux vibrations lorsqu'il se relèvera. En dehors de ce cas particulier, point de salut, le point sera attribué de façon aléatoire si l'arbitre est honnête (souvent le cas, rassurez-vous !) ou de façon partisane si l'arbitre est corrompu (ça existe aussi).

Mais là n'est pas la question car que tu perdes (ou que tu gagnes) le point lors de la mesure, le principal c'est de pouvoir débloquer une situation de conflit entre deux équipes. Et dis-toi bien que la boule que tu as jouée à roulé sur des cailloux, des brindilles, des feuilles, etc ... qui ont agi aléatoirement sur sa trajectoire et que l'arbitre n'a fait qu'ajouter sa part d’incertitude dans le hasard général qui caractérise ce jeu.

Pour que cette analyse ne soit pas simplement un grand coup d’épée dans l’eau (ne pas confondre Perceval avec don Quichotte) et si un arbitre se reconnaissait en lisant ces lignes voici ce qu’il pourrait faire pour améliorer sa mesure de façon significative :
Quand la tirette est réglée « pile poil » au lieu de se relever en la tenant, le mieux c’est de la laisser par terre, de se relever en utilisant les 2 mains, de se baisser tranquillement devant la deuxième boule à mesurer et seulement de ramasser la tirette et faire la mesure.
Cette technique pleine de bon sens mériterait même d’être homologuée et figurer dans le protocole !

Voilà, ma chronique est terminée. Maintenant c’est à vous d’observer les « ajusteurs de tirette » et de vérifier l’exactitude de mes propos. Et si d’aventure un arbitre refusait de vous donner un point que vous étiez sûr d’avoir, pensez a tous les points qu’il vous a donné et que vous n’aviez pas !